Bon, où suis-je ? Chez moi. Comment je le sais ? C'est écrit au plafond. Je suis conditionné pour vivre ainsi. J'écris tout pour ne pas oublier. J'ai appris à reconnaitre ma propre écriture. Dès qu'ils apprennent comment j'en suis arrivé là les gens ont tendance à profiter de moi, je dois faire très attention. Mon histoire se résume à ces photos dans mes poches, des visages, des lieux, des faits, des traces écrites dans un carnet pour me rappeler. Je photographie et note tout ce que je crois important. Ma vie se résume à toutes ces photos, tous ces petits bouts de papier. 5 mois que je vis comme ça. Du moins je crois, je ne sais pas. Je ne me rends pas compte du temps qui passe, sans souvenir de la veille c'est un peu plus compliqué de se rappeler quel jour, mois, année dans laquelle on est. Un bref regard sur mon calendrier m'informe, 2 décembre 2010. J'ai toujours peur de barrer plusieurs jours en une journée ou de sauter un jour, c'est pourquoi j'ai ce calepin posé sur l'oreiller à côté de mois. Il y es écrit tout ce que je dois faire dans une journée. Une sorte de post-it.
❒ Réveil.
❒ Petit Déjeuner.
❒ Déjeuner.
❒ Souper.
❒ Douche.
❒ Dormir.
Alors, on est le matin, je viens de me lever, habilement j'attrape un crayon de papier et coche la première case, je me lève, des messages m'accueillent.
Rase toi, les céréales sont dans le placard, achète des polaroïds. Les post-it ont envahis mon appartement. Je reconnais mon écriture, je me rappel vaguement avoir écris ça. Tout ça me reviens par vague et pour moi c'est vital de reconnaître mon écriture. N'importe qui pourrait m'écrire des mots sinon, c'est pour ça que je n'utilise pas de portable. Je me le suis interdis de toute façon c'est écrit un rouge vif sur mon calepin, à la deuxième page. •
Ne fait pas confiance aux téléphones portables.Bon, il faut que je déjeune avant d'oublier ce que je fais dans la cuisine, je suis conditionné, il faut. Si ma mémoire courte n'existe plus, ma mémoire cognitive est toujours là, répéter la même chose encore et encore, tous les jours, dans le même ordre, pour ne pas se perdre. Marcher à l'instinct. Ok. Je suis devant un bol de céréale, mes yeux se baladent sur le décor, cuisine. Est-ce que je suis chez moi ? Oui, les post-it me le confirment, je devais sans doute être en train de prendre mon petit déjeuner, ouais c'est ça. Sans doute. Regard sur mon calepin, petit dej' pas cocher alors c'est ça. J'avale rapidement mes céréales, rangent tout aussi rapidement le bol dans le lave-vaiselle, je m'écris mon premier post it de la journée.
« Met le lave vaisselle en route après le souper. » Okay moi-même je le ferais. Le stylo coche le petit dej', direction la chambre où je prépare mes affaires. Mes placards sont incroyablement bien rangés, une partie fringue à laver, à repasser, à mettre. Un paquet de cigarette attrape mon regard. Étrange. Des lettres en capital sont écrites sur le paquet.
« TU ES UN FUMEUR. » Oh oui, ça je m'en rappel vaguement. Je fume pour faire croire que je suis normal, que je n'ai pas de problème. Alors évitons de connaitre le manque, ma main attrape le blanc et rouge pour le poser sur le lit. J'enlève mon t-shirt. Me regarde dans la glace. J'ai le teint trop pâle. Je crois que j'ai toujours été pâle. Un post-it accroché sur la glace attire mon attention.
« Ne regarde pas ta cicatrice. Tu n'aimes pas ça. » Ma cicatrice ? .. Oh oui, mon accident. Comment je m'en rappel ? C'est écrit sur mon calepin, encore, toujours. Et puis c'est bien trop dur pour être oublié de toute façon. J'ai eu un accident. Renversé. Je me suis fait renversé, c'est vrai oui. Je tourne autours du lit, à moitié nu, cherchant une quelconque note. Je suis perdu sans notes. Des flèches peintes au sol me mène dans le placard. « Ne touches pas à l'alcool. Tu as un cancer du foi. » C'est vrai. C'est là que j'enferme les bouteilles qu'on m'offre pour ne pas être tenter de les ouvrir et d'aggraver mon cancer. Je ne sais même plus où est la clé du cadenas. Tant pis, retournons nous habiller. Mes doigts glissent sur un jean. Parfait. Un maillot de corps et une chemise à carreaux sur laquelle glisse un post-it. « C'est ta préférée. Cadeau de Lou. » Lou. Mon guide. Ma lumière dans l'ombre.
Bon, je suis où là, c'est qui cette fille face à moi ? Elle parle, génial, j'ai pas suivi le fils de la conversation. Ça doit faire longtemps que j'suis ici. Est-ce que je lui ai déjà parlé de mon problème ? Est-ce qu'elle sait qu'elle parle à un type atteint d'amnésie ante rétrograde ? Aucune idée. Si c'est pas le cas, tant pis c'est une nana, par définition elle aime bien parler. Dans son flot de mot j'arrive à capter une question qui semble particulièrement l'intéresser.
« Qui venez-vous voir monsieur Calssburry ? »
Je la regarde, la fixe. Je suis dans l'hôpital, ça je le sais. C'est écrit sur sur sa blouse. Comment suis-je venu ici ? J'ai conduis ... du moins je crois. Ai-je le permis pour autant ? J'ai sans doute du le passer, comme tout le monde. Elle me tapote la main gentillement, me faisant sortir de ma rêverie. Elle insiste du regard. Je porte les yeux sur mon calepin, il y a un rendez-vous, aujourd'hui, à cette heure-ci. « Rendez-vous avec Lou. Hôpital Seattle Grace. Elle travaille là-bas. » Je reporte mes yeux sur la femme qui, et cela ce lit dans son regard, à hâte d'en finir avec moi et mon silence.
« Lou. Je suis venu voir Lou. Elle travaille ici. »
Une multitude de couloir s'affichent devant moi, défilant à vitesse lente et laissant échapper quelque cris de patient angoissés. Tout ça me fait peur. L'hôpital est mon refuge mais la maladie me fait peur. Je croise des regards compatissant, je dois sûrement connaître la plupart de ces gens mais je ne m'en rappel pas. Le médecin qui m'accompagne me demande des nouvelles de ma santé. C'est étrange de demander ça. Je ne sais pas comment vas ma santé, je ne suis pas elle. Comment voulez-vous que je sache comment vas mon foi ? Je ne suis pas lui. Je répond d'un mouvement de tête, mes parents m'ont toujours répété d'être poli envers les autres et de répondre, même quand cela ne sert à rien. Le grand brun me mène à l'accueil d'un autre bâtiment dans une autre aile de l'hôpital.
« Reste-là. Elle ne vas tarder. »
Je touche mes mains. Je suis inquiet. J'ai sans doute peur qu'elle ne vienne pas. Lou est ma seule attache, la seule chose qui me retient pour ne pas sombrer. Elle me ré-apprend à vivre, elle reconstruit mes repères à sa manière, elle m'aide à redevenir moi-même, ou du moins une part de moi-même. J'ai toujours peur qu'elle s'en aille, qu'elle m'oublis et qu'elle passe à quelqu'un d'autre, un autre patient, ou alors un homme qui arrive à ce souvenir du prénom de sa tante, pas comme moi. C'est comme avec cette femme Siohban que je suis censé aimé plus que toi, qui aurai dut être la femme de toute ma vie. Seulement je ne sais pas qui elle est. Je ne connais rien d'elle, même si elle prétend le contraire. Avec Lou c'est différent et c'est ça qui me terrifie. Je n'ai pas à faire semble d'être quelqu'un d'autre. Je vous l'ai dit, elle m'aide à redevenir moi-même.
« Hey l'amnésique. Comment tu vas ? »
Lou. Elle est venue, elle ne m'a pas laissé seul. J'affiche un sourire niais sur mon visage de petit garçon perdu, je suis tellement content qu'elle soit-là que ça en devient complètement absurde. J'ai l'air d'un idiot avec mon sourire. Tant pis, je suis heureux.
« Mieux. Mais je crois que j'ai oublié où j'ai garé ma voiture. »